Biographie
Romantique un peu barré, créatif méticuleux, Raphaël Lambelet débute en tant que pâtissier-confiseur. Il lâche l’affaire peu de temps après, afin de s’adonner à la peinture. Le jeune homme qu’il est alors occupe un job de serveur à côté, pour payer les factures. Piqué d’amour pour la restauration, il finit par s’y impliquer pleinement et ouvre son premier bistrot en 2002.
Juché au sommet du bâtiment de la mythique Case à Chocs (NE), l’Interlope devient un lieu où développer sa cuisine, directement inspirée des arts visuels. Là, Raphaël se risque à des associations inattendues de goûts, de mâche et de couleurs. Quelques années passent, et il reprend le Bain-des-Dames (NE) qui devient vite un incontournable de la gastronomie neuchâteloise. C’est à ce moment-là que son palais se lie au vin de manière concrète.
En 2010, il vit son premier coup de foudre nature, et n’en reviendra pas : « Le point départ de tout ça, c’est La Bordigue de Mylène Bru. Un rouge. Je m’en souviens comme si c’était hier ! » L’élégance et la buvabilité des vins de Mylène Bru imposent une nouvelle curiosité au restaurateur, qui se met à chercher, goûter, cracher, découvrir, déglutir et déployer cet amour naissant pour les jus sans intrants ni sulfites.
Dès 2020, il est, avec son ami Franz Hausammann, l’un des deux cavistes derrière Le Naturiste. Le duo se met donc à arpenter plus amplement encore la Suisse, la France et l’Alsace afin de rencontrer les visages de la vinification naturelle contemporaine. De domaines en salons, Raph goûte d’innombrables quilles. L’envie de produire ses propres jus le titille…mais quelque chose le retient encore. À quand le déclic ? Fort heureusement (pour nous comme pour lui), l’épiphanie ne se fait pas trop attendre…
En 2022/23, il vinifie avec Jean-Michel Henrioud (Auvernier, NE) et s’occupe de vignes de chasselas et de pinot noir, typiques de la région. C’est alors clair : cette fois-ci, c’est la restauration qu’il faut quitter afin de faire de la place à un contact intime et concret à la terre. Ainsi guidé par Henrioud — précurseur du vin nature dans la région, il est aussi le druide du Littoral, préparant des tisanes pour plusieurs domaines — Elodie Kuntzer et Benoit de Montmollin, il se lance finalement en tant que vigneron.
« Après toutes ces années de restauration, j’avais besoin de plus qu’un jardin à la maison. Quelque chose de serein, d’authentique et de calme… La viticulture, c’est la seule option qui ai vraiment résonné en moi. »
Et parce qu’on ne force pas le destin mais qu’il s’impose naturellement lorsqu’on est à la bonne place, une connaissance lui ouvre la cave d’une vieille bâtisse de Colombier (NE). Un coup de bol inimaginable. L’aménagement commence à l’hiver 2023/24, parallèlement à la vinification du millésime 2023.
Convoquant les connaissances partagées par les vigneron·ne·s rencontré·e·s au fil des années précédant cet emménagement, glanant des vignes dans le canton, l’aventure commence avec cette intention ferme de travailler la terre, d’y résider pleinement et de comprendre chaque millésime…
La cave
Événement romantique au possible, le bain de minuit invite au lâcher prise. Il nécessite un moment de folie et appelle à la nudité. Pour autant, il s’agit aussi d’un rite estival très commun, ce qui permet de souligner la volonté de Raphaël Lambelet de proposer des vins d’émotion à tous et toutes, son envie de réunir autour de saveurs et de couleurs choisies avec soin.
Bain de Minuit germe ainsi d’une approche sensuelle de la viticulture. Traiter la vigne avec respect — c’est-à-dire sans pesticides, intrants ni sulfites — relève de l’évidence ; les vins de Bain de Minuit sont donc naturels « par défaut. » Ici, il s’agit de prendre en main les grappes, d’observer l’unicité discrète des ceps, de prendre dans les bras les amphores, dans les narines l’odeur de terre du sud et de laisser filer sous les doigts le grain rugueux des céramiques blanches.
Les vins : élevage
Puisque la folie n’exerce sa magie qu’avec une certaine maîtrise, encore faut-il, pour sortir des jus précis, avoir sélectionné avec soin les cépages, essayé moult assemblages, choisi et appréhendé les méthodes de vinification. Les vins élevés en jarres vinaires offrent une finesse appréciée du vigneron. Ainsi, dans la cave de Bain de Minuit, elles sont de différents types : oeufs couchés, dolium, en terre de Castelnaudary. Ces vaisseaux permettent au cépage et au terroir de se dévoiler pleinement. Pour apporter un peu de complexité, la plupart des vins finiront leur élevage en barrique.
Les petnats vieillissent sur lattes, puis les bouteilles sont mises sur pointes pour permettre aux lies de descendre. À ce moment-là, ça dégorge, pour avoir un jus clair. Les blancs disposent de douze à quatorze jours de macération avec un peu de pigeage. Les rouges macèrent entre une semaine et un mois. Ensuite, blanc ou rouge, tous les transferts sont faits par gravitation.
On ne filtre pas, on n’ajoute pas d’intrants ou de sulfites bien que, concernant ces derniers, l’interdiction n’est pas formelle : jusqu’ici, ils n’ont pas été nécessaires du tout. Si le vigneron peut s’en passer, tant mieux.
Les jus de Bain de Minuit sont propres et mêlent créativité et discipline, bien que notre artisan vivant ne soit pas dupe : « comprendre et disposer de la technique nécessaire à faire exactement ce qu’on veut, c’est l’histoire d’une vie. »